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Baby, une éléphante pour l’exemple

Après la plainte de l’ONG One Voice auprès de l’Office français de la biodiversité pour dénoncer les conditions de vie du pachyderme de 36 ans qui vit dans un parc animalier du Loiret, la justice doit statuer sur son sort.
par Coralie Schaub
publié le 7 octobre 2020 à 20h06

Baby, une éléphante de 36 ans, a ému les internautes en avril, quand l'ONG One Voice a diffusé une vidéo sur ses conditions de vie. Capturée à l'âge de 2 ans au Kenya, elle est depuis «traînée de force de cirques en parcs animaliers, sous des chapiteaux, dans des foires, des fêtes de village, des publicités, des émissions de télévision, des reconstitutions historiques, des films», accuse l'ONG. Surtout, quand elle ne doit pas effectuer, «sous la contrainte et ad nauseam, parades et contorsions de numéros de cirque, porter son dresseur et geôlier sur sa trompe, marcher et tenir l'équilibre sur une patte douloureuse, poser pour des photos avec des spectateurs agités», elle passerait ses journées enfermée dans une remorque de camion, selon One Voice. Qui dit avoir effectué un an de filature pour documenter le «calvaire» de l'éléphante, après quinze années de suivi et de signalements. D'où ce cri d'alarme : «Baby, le confinement c'est toute sa vie, dans un camion», accompagné d'un site internet dédié à l'animal et d'une pétition (signée par plus de 65 000 personnes) demandant son «placement en urgence dans un sanctuaire».

Surveillance constante

Dans l'espoir que les choses bougent, One Voice a déposé plainte auprès de l'Office français de la biodiversité (OFB). Selon nos informations, les inspecteurs de l'environnement de cet établissement public se sont rendus à l'improviste le 15 septembre dans l'établissement «Rendez-vous en terre animale», sis à Sury-aux-Bois, dans le Loiret. C'est là que se trouve Baby depuis le printemps. C'est là que, sept jours sur sept, les visiteurs peuvent la découvrir de près en lui tendant un fruit, se balader en sa compagnie dans la propriété et assister à son bain. «Une partie des recettes» étant reversée à l'association de protection des éléphants Zewact, au Zimbabwe.

Lors de leur visite inopinée, les agents de l'OFB ont procédé à des constatations dans le cadre d'une enquête judiciaire ouverte auprès du parquet d'Orléans, «relative à la présentation au public d'animaux sauvages sans respecter les règles de sécurité». Ce point inquiète davantage les inspecteurs de l'environnement que les conditions de vie de Baby. Ils ont constaté que la promenade des visiteurs avec l'éléphante s'effectue certes à quelques mètres de distance et sous la surveillance constante de deux personnes, mais sans séparation physique. Or cet animal sauvage, très puissant, peut être dangereux pour l'homme. Son propriétaire doit donc assurer la sécurité du public, notamment en empêchant le contact avec celui-ci. Ce qui est «perfectible» dans le cas des balades avec Baby dans le Loiret, selon l'OFB.

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Pas de mauvais traitement

Son bien-être semble y être assuré. A «Rendez-vous en terre animale», Baby a accès à un enclos extérieur, avec parcours de promenade alternant prés et bois, bassin pour se baigner et lieu de repos. Sous l'autorité du procureur d'Orléans, un vétérinaire comportementaliste a été requis. Selon lui, l'éléphante présente un très bon état général, hormis une déformation du postérieur gauche sans doute liée à une ancienne fracture, aucun signe de mauvais traitement ni de stress. «Baby n'a jamais été aussi bien qu'aujourd'hui car son dresseur l'a installée dans ce lieu après nos alertes. Mais c'est temporaire, il la rembarquera dans le camion», répond Muriel Arnal, la présidente de One Voice.

«Nous pouvons juste garantir que le jour où nous avons vu Baby, nous n'avons pas décelé d'anomalie relative à son bien-être. Mais nous restons vigilants, pour suivre l'évolution de ses conditions de détention», admet Jean-Noël Rieffel, le directeur régional Centre-Val-de-Loire de l'OFB. Vétérinaire de formation, il estime que placer l'éléphant dans un sanctuaire serait une erreur : «Pour un animal aussi âgé que Baby, imprégné par l'homme depuis longtemps et très attaché à son dresseur, ce serait le déraciner, avec le risque qu'il déprime, voire meure en arrêtant par exemple de s'alimenter. Le vétérinaire que nous avons requis le confirme.» Baby sera-t-elle saisie et placée ? L'avis du parquet est attendu dans les prochaines semaines.

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